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Deux plaintes ont été déposées par le conseil national de l’ordre des médecins dentistes du Maroc (CNOMDM) contre un professionnel de la santé dentaire à Agadir. Mondentiste.ma a creusé un peu plus pour vous révéler les dessous d’une affaire encore méconnue de l’opinion publique. Les détails.

Dans un communiqué de presse publié le 20 juillet 2017, le président du conseil national de l’ordre des médecins dentistes du Maroc, Mohamed Jerrar a dénoncé un cas d’usurpation relatif à l’exercice du métier de dentiste. Situé à Dchaira - Amogaye dans la ville d’Agadir, Fouad Habbad, prothésiste dentaire, exercerait le métier de chirurgien-dentiste sans disposer pour autant d’autorisation lui octroyant ce droit.

Le communiqué de presse que nous nous sommes procuré, est accompagné de photos prouvant le délit: bien que son enseigne professionnelle inclut uniquement la prothèse dentaire, le cachet de Fouad Habbad porte la mention de “chirurgien-dentiste”. Cette infraction est passible selon le code pénal marocain de peine privative de liberté allant de 3 mois à 2 ans.

C'est dans ce sens que le président de la CNOMDM a déposé une première plainte le 16 juin 2017, auprès du gouverneur de la région de Souss-Massa, avant d’en déposer une deuxième, un mois plus tard, le 18 juillet 2017 au tribunal d’Inezgane.

En effet, l'usurpation du titre de chirurgien-dentiste est interdite conformément à l’blog 381 du code pénal marocain. Celui-ci stipule que : "Quiconque, sans remplir les conditions exigées pour le porter, fait usage ou se réclame d'un titre attaché à une profession légalement réglementée, d'un diplôme officiel ou d'une qualité dont les conditions d'attribution sont fixées par l'autorité publique est puni, à moins que des peines plus sévères ne soient prévues par un texte spécial, de l'emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de 120 à 5 000 dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement".

S'ajoute à cela l'blog 38 du code de déontologie relatif à l'ordre des chirurgiens - dentistes, selon lequel " l'exercice habituel de la profession dentaire, sous quelque forme que ce soit, au service d'une entreprise, d'une collectivité ou d'une institution de droit privé doit, dans tous les cas, faire l'objet d'une autorisation administrative préalable, conformément à la législation en vigueur."

Ainsi, la pratique du métier de médecin dentiste illégalement par Fouad Habbad est un acte condamnable par la loi, puni par de lourdes sanctions. Une information à prendre, pour l'heure, au conditionnel.

Condamnation ferme du CNOMDM

Pour sa part, le président du conseil de l'ordre national des médecins dentistes, Mohamed Jerrar, dénonce ces cas d'usurpation d'identité. Assurément, l'affaire Habbad n'est pas un cas isolé, de nombreux cas similaires l'ont précédée. En laissant des personnes qui ne sont aucunement autorisées à exercer cette profession réglementée, la santé du citoyen est mise en péril. Selon le président, un comité chargé de l'inspection sur le terrain n'existe toujours pas. Chose à laquelle la loi n° 07-05, actuellement en discussion au parlement, devrait remédier.

En outre, le docteur Jerrar estime qu'un prothésiste ne devrait en aucun cas disposer d'un centre dentaire, pourvu d'un matériel inadéquat à sa fonction. Il est à savoir que le prothésiste travaille en étroite collaboration avec le médecin dentiste qui requiert ses services. Ainsi, seule une demande cachetée par un docteur agréé permet au prothésiste d'exercer son métier.

Il est vrai que de nos jours, maints prothésistes accumulent une large expérience en dentisterie qui les porte à se croire aptes à traiter des patients. “Une pratique qui peut avoir des conséquences néfastes pour les citoyens”, prévient le président. Ces mauvais traitements peuvent en effet, causer de graves handicaps allant même jusqu’à la mort du patient.

Toutefois, si le conseil national de l’ordre des médecins dentistes traite généralement ces dossiers d’usurpation en premier, “le ministère de l’intérieur est censé intervenir pour éviter que de tels dépassements se reproduisent” rappelle-t-il.

Quand la police s’en mêle

Le lundi 17 juillet, un stagiaire travaillant pour Fouad Habbad se rend au cabinet du docteur Amaaoun, chirurgien-dentiste et membre de l’ordre national des médecins dentistes. Cette mission professionnelle qui devait s’arrêter à la remise de documents importants au médecin dentiste, s’est soldée par une intervention policière au sein du cabinet du docteur Amaaoun. Nous apprendrons par la suite, que le stagiaire a été accusé d'agression verbale envers ce dernier. Au jour d'aujourd'hui, le jeune apprenti est toujours en détention provisoire.

Cet incident n’a pas manqué d’attiser les ardeurs initiées par la première plainte. Le lendemain, la seconde a été déposée au tribunal de première instance d’Inezegane.  Pour sa défense, Fouad Habbad nie toutes les accusations émises à son encontre. “Je suis un prothésiste dentaire. Je ne me suis jamais autoproclamé chirurgien-dentiste" insiste-il. Selon lui, son cursus universitaire de trois ans, lui permet de pratiquer légalement la profession de prothésiste dentaire. Celui-ci prétend même détenir des papiers et des documents prouvant son innocence.

Pour contrecarrer ces accusations, Habbad attribue cette affaire à “un vieux conflit irrésolu, dû à la concurrence”. Ce dernier explique qu’hier encore, les deux “ennemis” d’aujourd’hui, étaient amis de longue date, voisins qui plus est.

Au moment de la publication de cet blog, Fouad Habbad aurait retiré les enseignes professionnelles de son centre dentaire, nous révèle le docteur Amaaoun.

La pratique illégale est monnaie courante au Maroc

La dernière étude réalisée par la faculté de médecine dentaire de Casablanca sur un échantillon de 17 villes du royaume, fait état d’un bilan alarmant. Ainsi, les “mécaniciens dentistes” représentent 56% des praticiens du pays. 10% sont des arracheurs de dents.

15% des victimes de ces faux médecins souffrent aujourd’hui d’infections au niveau des dents arrachées, et 7% d’infections externes. Le plus inquiétant est que 50% ne sont même pas conscients de la gravité de ces pratiques illégales sur leur santé.

La pratique illégale de la dentisterie est indéniablement un fléau qui porte atteinte à la santé publique au Maroc. C’est dans cette optique que la nouvelle loi n° 07-05, réalisée par le conseil national de l’ordre des médecins dentistes, essaie d’annihiler cette tare.